Alors que le Président Trump vient de lancer une nouvelle salve commerciale à l’encontre de la Chine, portant sur une liste de produits pour un montant de 200 milliards de dollars, les négociations et pressions ne se relâchent pas à l’encontre de l’Europe et du Japon. Principale cible : l’automobile. Principal objectif réduire le déficit commercial américain, ouvrir les marchés aux produits américains notamment les produits agricoles.
Tensions commerciales Etats-Unis – Japon, un air de déjà vu…
Les assauts commerciaux américains à l’encontre du Japon ne sont pas sans rappeler les « batailles » des années 80. L’automobile japonaise avait été l’objet à l’époque de violentes campagnes allant jusqu’à la destruction physique de ces engins qui avaient, disait-on, envahi le sol américain et menaçaient l’industrie automobile nationale et ses emplois.
Il faut dire que la percée avait été fulgurante : au début des années 80, le Japon produisait environ 7 millions de véhicules de tourisme. Ses ventes aux Etats-Unis atteignent plus de 21% du marché américain (contre moins de 5% de ce même marché 10 ans plus tôt[1]).
Au sortir des deux chocs pétroliers, la construction automobile américaine est en crise. Les ventes de véhicules plongent. Trop gourmands, pas fiables etc. Les modèles américains sont en perte de vitesse. Arrivent les voitures japonaises, plus petites, mieux finies, plus sobres et plus fiables. Elles vont même supplanter les allemandes.
Moins chères en effet non seulement grâce aux méthodes de production, mais aussi grâce à une devise encore très sous-évaluée. En 1980, il faut environ 380 yens pour un dollar. L’Administration Reagan entend y mettre bon ordre.
Les négociations commerciales porteront sur une autolimitation des importations japonaises aux Etats-Unis. Puis en 1985 et en 1986, les accords du Plaza et du Louvre consacrent une forte appréciation du Yen face au dollar (passant de 360 à 120 yens environ pour un dollar).
La politique protectionniste de l’Administration Reagan aurait temporairement permis de réduire les déficits extérieurs du pays (jusqu’au début des années 90). Sur le plan commercial et sectoriel, les accords d’auto-limitations seront reconduits sous une forme ou une autre tout au long des années 80, et jusqu’au milieu des années 90. Il y aura également des accords de cette nature avec l’Europe au moment de la mise en place du marché unique. Sur le plan sectoriel, ces mesures produiront d’autres effets : des implantations d’entreprises nipponnes aux Etats-Unis, des accords de coopération entre groupes industriels, des transferts de méthodes de production.
Outre qu’il contrevient à l’esprit des accords du GATT et plus tard de l’OMC, le principe d’autolimitation des exportations sera souvent critiqué. Pour les exportateurs japonais[2], la baisse des volumes d’exportation fut compensée par une hausse des prix des véhicules vendus aux Etats-Unis. L’effet net fut considéré comme neutre. Du côté des producteurs américains en revanche, le report d’une partie de la demande vers les modèles nationaux permit d’augmenter les ventes et les profits des constructeurs. Ceux-ci, soumis à une moindre concurrence ont pu – marginalement – augmenter leur prix mais surtout les volumes de vente, grâce aussi à une amélioration de la productivité et de la qualité des voitures. Entre 1982 et 1986 l’emploi progresse fortement dans le secteur aux Etats-Unis, soutenu aussi par le rebond général de l’activité (+200 000 emplois environ). Du côté japonais, la production de voitures fabriquées aux Etats-Unis représente près de 15% du marché au début des années 90. Quant à leur contribution à l’emploi sur le sol américain, elle est plus difficile à estimer. En effet, si les nouvelles usines créent des emplois, leurs gains de parts de marchés sur le territoire en détruisent ailleurs. De plus, une part importante de leurs pièces détachées sont sourcées à l’extérieur des Etats-Unis. Aussi certaines études américaines estimaient que les nouvelles implantations ont pu détruire des emplois[3].
Aujourd’hui le Japon, sous la menace de sanctions tarifaires sur l’automobile, se voit offrir un autre genre de marché : l’Amérique de Donald Trump entend s’ouvrir le marché agricole du pays du Soleil Levant comme une augmentation des fournitures de matériel militaire (le Japon est un allié indéfectible des Etats-Unis) et de gaz naturel liquéfié. La menace sur le secteur automobile japonais, toujours fortement dépendant du marché américain, semble suffisante pour forcer la main du gouvernement nippon.
Mais à quel prix, en définitive ?
[1] Voir : https://www.persee.fr/doc/rei_0154-3229_1982_num_19_1_2034
[2] https://www.perc.org/1999/09/01/voluntary-export-restraints-on-automobiles/
[3] Auto industry in the 80’s, a decade in transition, Christopher J. Singleton, Monthly Labour Review, feb 1992 https://www.bls.gov/opub/mlr/1992/02/art2full.pdf