« C’est le taux de change I… »

 In Economie, Finance et Marchés

Pour paraphraser la célèbre phrase qui marqua la présidence Clinton, la décision surprise de la Banque de Japon (BOJ) ce 29 janvier, semble surtout guidée par des craintes liées à l’appréciation récente du yen plutôt qu’à toute autre considération sur le crédit domestique. La décision de porter à -0.1% le taux de réserves additionnelles que les banques placent auprès de la Banque Centrale, n’en est pas moins encore bien modeste au regard des -0.3% de la BCE, ou encore des -0.65% de la Banque du Danemark, du taux -0.75% de la Banque Nationale de Suisse et des -1.1% de la Banque centrale de Suède. Dans la foulée de l’annonce de la décision de la BOJ, la devise a fortement reculé contre $, passant de 118.4 à près de 121.5 JPY, une correction à la baisse tout aussi marquée contre le Renminbi (yuan) après plusieurs mois d’appréciation. En fait, dans la tourmente des marchés, le yen se comporte un peu comme le franc Suisse de la zone asiatique et tend donc à s’apprécier face aux craintes de voir la devise chinoise se détacher du dollar. Depuis décembre dernier, le taux de change effectif réel du JPY s’est apprécié de plus de 8% .

Je pense que ce qui préoccupe surtout les grands argentiers en ce moment c’est le risque de voir la Chine définitivement renoncer à son ancrage au dollar et, dans le contexte actuel, provoquer une forte dépréciation de la devise chinoise. Recourir à cet expédient pour relancer les exportations est bien tentant. Mais comment éviter la fuite concomitante des capitaux et de l’épargne du pays (estimée à 1000 Mds de dollars en 2015). Les autorités chinoises balancent face à ce dilemme : tentées par la relance des exportations, elles voient d’un très mauvais œil une partie de l’épargne du pays leur échapper. Les voilà prises dans le fameux triangle d’incompatibilité de Mundell : en ouvrant progressivement les vannes des mouvements de capitaux, et en tentant de s’affranchir très progressivement de son système de taux de change fixe, la Banque Centrale de Chine – plus autonome qu’auparavant, mais pas encore tout à fait indépendante – n’a pas pu éviter ces contradictions : soutenir l’activité domestique par une baisse des taux d’intérêt et un afflux de cash, tout en défendant le taux de change du yuan, dont le décrochage a été limité par le recours massif aux réserves de change (près de 600 mds de $ dépensés en 2015).

Au moment où l’économie du pays ralentit, les partenaires de la Chine s’inquiètent eux, de la voir exporter sa déflation par la dévaluation. Aussi et presque contre toute attente, certains en viennent même à recommander à la Chine de resserrer les mailles de son filet de contrôle des flux de capitaux, interrompant ainsi le mouvement de libéralisation et d’internationalisation de sa devise.

Ainsi, comme en 1998, ceux des pays dont la devise est encore ancrée au dollar et qui sont confrontés à la baisse de leurs recettes d’exportations, pourraient bien faire sauter ces « pegs », au risque de de voir une nouvelle vague déflationniste déferler, alors que nos banquiers centraux n’ont plus guère de marge de manœuvre pour la contrer.

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