Les femmes et leur épargne, quels enjeux

 In Economie, Finance et Marchés

Ces dernières années et notamment dans les économies développées, les femmes ont pris une place de plus en plus importante dans la gestion de fortune car elles y ont accumulé une épargne considérable, que ce soit par héritage, ou bien encore et de plus en plus souvent par le fruit de leur activité professionnelle et entrepreneuriale.

Ainsi, selon une étude de la Banque Morgan Stanley, les américaines disposaient en 2014 de 11 200 milliards de dollars d’actifs à investir, soit 40% des actifs totaux à gérer dans le pays. Aux Etats-Unis toujours, les femmes prennent désormais des décisions patrimoniales dans les deux tiers de cas.

Une importance croissante donc, liée autant à l’allongement de l’espérance de vie qu’à la participation croissante des femmes à la vie économique ; une création de richesse sans conteste. Mais dans ce domaine aussi, les femmes semblent encore « à la traîne » par rapport aux hommes : moins confiantes, voire réticentes, leur rapport à l’argent reste teinté de sérieux clichés.

Passons-les en revue : les femmes n’aiment pas les questions d’argent. Elles n’aiment pas prendre de risque. Quand elles en ont les moyens, elles sont promptes à embrasser les causes charitables ou écologiques. Bref, peu enclines à s’impliquer dans les questions d’argent, voire ignorantes dans ce domaine, elles répugneraient à suivre et à firtiori optimiser la performance de leur patrimoine.

Comme tous les clichés, ceux-ci ont quelques traits de réalité : si les femmes se sentent désormais moins ignorantes des questions d’argent, ni même réticentes à gérer directement leur portefeuille, c’est encore une affaire de génération comme de mode d’acquisition du patrimoine. Disons-le, les plus jeunes, celles dont le patrimoine est le fruit de leur activité professionnelle, sont les mieux informées et les plus actives dans la gestion de leur épargne. C’est effectivement encore une affaire de génération, et celles qui ont hérité d’importantes fortunes à gérer ont souvent dédié des fonds à la constitution de fondations et d’œuvres caritatives. Mais après tout les hommes aussi. Et cette préoccupation socio-environnementale pourrait bien être portée au crédit des femmes, plutôt que dénigrée.

Ces images, ces constats, ces contrastes, posent évidemment de sérieuses questions :

Sur les femmes d’abord :

  • Les femmes ont-elles un rapport particulier à l’argent ?
  • Ont-elles une aversion particulière au risque ? Ou bien est-ce le contraire (mais on se pose rarement la question dans ce sens il faut bien le dire) ?
  • Quels sont leurs objectifs patrimoniaux ? Sont-ils différents des hommes ?

D’ailleurs en matière de gestion patrimoniale comme dans d’autres domaines, les femmes forment-elles un groupe homogène partageant les mêmes aspirations ?

Sur le conseil en gestion d’actifs et patrimoniale ensuite :

  • Le conseil est-il en mesure de prendre en compte les attentes des femmes dans la gestion de leur épargne ?
  • Ne sont-elles pas encore traitées un peu comme des « supplétifs » des hommes ?

Un trait semble néanmoins commun à la majorité des femmes et qui ressort de nombreux sondages : celles-ci se sentent bien moins confiantes que les hommes dans leur décision d’investissement (souvent 20 points les séparent dans les sondages). En France par exemple, on note aussi un réel pessimisme des femmes quant à leur avenir financier. Elles sont en effet plus nombreuses que les hommes à craindre de ne pas disposer des ressources suffisantes pour leur retraite. Aussi épargnent-elles en très grande majorité.

Mais les femmes sont-elles si bien informées que cela ? La même enquête montre que si dans des cas de plus en plus nombreux, les femmes font appel à des conseilleurs financiers, dans deux tiers des cas, elles considèrent qu’elles ont été mal informées, mal conseillées et même mal comprises, voire littéralement négligées. En tout cas, les femmes déclarent majoritairement que rien ne les a incitées à se préoccuper de la gestion de leur épargne (petite ou grande). Aussi, même bien informées, elles se sentent moins bien armées que les hommes pour agir.

La gestion de fortune, comme d’autres domaines de décision, est un territoire encore un peu neuf pour les femmes. Dans ce domaine comme dans d’autres,la prise de confiance passe souvent par l’éducation dès le plus jeune âge, et plus tard par la prise en compte des attentes des personnes en matière de compréhension des produits et options d’investissement, de transparence dans les méthodes appliquées comme dans les objectifs poursuivis.

Il n’y a donc pas de raison que les sommes aussi considérables soient mal employées et produisent des rendements inférieurs à ceux perçus par d’autres catégories d’investisseurs, c’est un préjudice pour les femmes elles-mêmes, pour l’économie encore plus.

 

1/ Enquête réalisée par Cicero pour Blackrock, août 2015, 27 500 personnes de 25 à 74 ans, dont 1 000 personnes en France. In « Gestion de Fortune » magazine, 7 mars 2016.
Source : Magazine des Professions Financières et Economiques – Mars 2017 – n°11

 

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