“(…) No satisfaction…”

 In Economie, Finance et Marchés

Les marchés et les banquiers centraux sont-ils entrés dans l’ère du malentendu ?

La réaction des marchés à la décision de la Banque Centrale Européenne la semaine passée a de quoi inquiéter : malgré des annonces plutôt d’ampleur, l’EUR/$ s’est brutalement apprécié de plusieurs centimes, pour s’établir autour de 1.09 ; les bourses sont en baisse depuis et les marchés obligataires ont connu un mouvement de correction à la baisse, la courbe américaine entamant un mouvement d’aplatissement.
Bien que Monsieur Draghi ait dû :

  • Surmonter des résistances internes de plus en plus marquées de la part de certains gouverneurs, à commencer par celui de la Bundesbank, Monsieur Weideman ;
  • Justifier l’extension de son programme d’achats d’actifs (quantitative easing ou QE) de 6 mois, jusqu’en mars 2017 « au moins », au moment où les statistiques d’activité signalent plutôt la poursuite de l’amélioration de l’activité ;
  • Elargir encore la gamme des actifs éligibles à certains emprunts émis par des collectivités locales, au risque de fragiliser encore son bilan…

Les marchés en voulaient encore plus ! Plus que les 60 mds d’achats mensuels de dettes ; plus qu’une réduction de 10 pb, du taux de dépôt déjà négatif (de -0.2% à -0.3%) !
Il est assez aisé de voir dans cette décision que :

  • le Président Draghi avait l’intention de convaincre les marchés que la BCE conservait encore des marges d’action si cela s’avérait nécessaire.
  • Le rebond de l’EUR a certainement servi les banques centrales des pays voisins de la zone euro, comme la Banque Nationale de Suisse (BNS) ou les banques centrales scandinaves, qui n’ont pas eu à intervenir pour contrer l’appréciation de leur devise.
  • En n’abaissant son taux de dépôt « qu’à » -0.3%, la BCE entendait bien limiter la course poursuite des marchés qui avaient déjà poussé des taux à court terme (jusqu’à plus de 2 ans an Allemagne) bien en-deça de ce seuil, lui interdisant par là-même de les acquérir.

Alors que s’est-il vraiment passé ? En tout premier lieu, une correction salutaire d’anticipations exagérées. Mais alors, comment expliquer que le mouvement perdure ?

  • Malgré les efforts de M. Draghi, les marchés perçoivent probablement cette décision comme la dernière d’importance, laissant la BCE sans autre moyen d’action significatif à venir.
  • De plus, une fois passée la décision de la BCE, tous les regards se sont à nouveau tournés vers la Réserve Fédérale qui doit rendre sa décision cette semaine. Et là plus de doute : une hausse est dans les cartes.
  • Enfin, au lendemain de la réunion des pays membres de l’OPEP, les prix du brut ont de nouveau baissé, comme ceux des matières premières, menaçant un peu plus les grands opérateurs du secteur, notamment dans les pays émergents producteurs, souvent endettés en dollars.

Et les questions demeurent : la Fed peut-elle agir de son propre chef ? Cette semaine, la Banque Centrale de Nouvelle Zélande a ramené son taux directeur à 2.50%, c’est-à-dire à son niveau de mars 2014, lorsqu’elle avait commencé à resserrer sa politique monétaire. La Banque Centrale de Chine de son côté a fixé le taux de change du Renminbi (yuan) au plus bas de sa fourchette actuelle contre dollar (3.41), bien que les indicateurs d’activité les plus récents semblent indiquer une stabilisation de l’activité du pays.
Que peut-on attendre de la réunion de la Fed cette semaine ? Un relèvement de son taux directeur à coup sûr ! Oui, mais :

  • Le choix du moment semble plus relever d’un besoin de rétablir la bonne communication de la Banque Centrale auprès des marchés – après les allers retours de septembre – que d’un choix économique fondamental incontestable.
  • La Fed ne peut plus ignorer l’impact de sa politique monétaire sur le reste du monde et notamment les grands pays émergents, dont la dette – des agents privés – libellée en dollars a fortement progressé.
  • Or cette décision – en général la première d’une assez longue série – intervient assez tardivement dans un cycle de reprise pour le moins particulier lui aussi : la reprise a commencé en 2009 aux Etats-Unis. Si l’on se fonde sur les expériences passées, le risque de faire retomber l’économie en récession est plus important dans ce cas.

Il est vrai que ce cycle présente des particularités telles que les instruments de mesure habituels semblent de peu d’utilité à la Banque Centrale américaine : l’inflation sous-jacente reste sous le seuil des 2% ; la forte baisse du taux de chômage (5%), n’a pas entraîné de pressions salariales significatives dans un contexte encore marqué par un taux d’emploi très faible à ce stade de la reprise.

D’où les hésitations et les débats internes qui continuent d’animer la Réserve Fédérale. Or plus que la décision elle-même, c’est bien le communiqué et les commentaires de Madame Yellen qui seront décortiqués par les analystes, à la recherche d’indications claires sur le rythme et l’ampleur de ce resserrement monétaire à venir.
En attendant, le rally de fin d’année tarde à se manifester. On peut même craindre que faute d’indications claires de la part de la Fed, les marchés manquent de souffle d’ici Nöel. Il faudra alors attendre les annonces de résultats d’entreprise du début d’année pour ce faire une idée plus claire de l’avenir.

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