Pourquoi la Fed ne satisfait pas tout à fait d’un taux de chômage à 5.1% ?

 In Economie, Finance et Marchés

Il est bien loin le bon vieux de temps où la courbe de Philipps proposait un arbitrage entre emploi et inflation qui pouvait servir de guide quasiment unique à la politique monétaire : le plein emploi annonçant plus d’inflation (par les salaires et la demande), la Banque centrale chargée de régler le moteur de l’économie, resserrait le crédit pour éviter la surchauffe. En cas de hausse du chômage, il lui suffisait alors de remettre un coup de starter, cette fois-ci en baissant ses taux directeurs. La stagflation des années 70 avait déjà mis à mal cette approche, on s’en souvient. Cette fois-ci encore, les choses ne se passent pas tout à fait comme avant, pour dire le moins.

Aussi, la Fed se montre-t-elle encore hésitante face à la reprise actuelle :

  • D’abord parce que même si le taux de chômage est très bas, elle constate que la baisse du taux de participation au travail s’est accélérée depuis la crise : les jeunes entrent moins vite et moins nombreux qu’avant sur le marché du travail et les baby-boomers en sortent plus massivement. Le nombre de personnes effectivement employées ou en recherche active d’emploi a reculé de près de 3% de la population active depuis 2008 (4,6 millions de personnes environ). De plus, beaucoup sont encore employés à mi-temps, alors qu’ils souhaiteraient trouver un emploi à plein temps.
  • A cela s’ajoutent d’autres facteurs : les salaires sont loin d’avoir progressé au point d’entraîner l’inflation. Le contexte général de baisse des prix du pétrole et des prix importés (du fait de l’appréciation du dollar) y contribue bien sûr, mais c’est plutôt une bonne nouvelle pour les consommateurs rappelons-le, d’autant que beaucoup sont encore assez endettés.
  • Enfin, on s’interroge sur la mesure de la productivité du travail : les nouvelles technologies induisent-elles une nouvelle progression de la productivité des facteurs et donc des perspectives de croissance plus marquée, ou bien en permettant un regain de concurrence, agissent-elles surtout sur la baisse des coûts notamment salariaux, alors même que la reprise de l’investissement est encore modeste.

A cela s’ajoute d’autres complications :

  • Quel sera l’impact du ralentissement des pays émergents et notamment de la Chine sur l’activité globale ?
  • Aujourd’hui la diffusion de la politique monétaire ne se fait plus seulement, loin s’en faut, par le seul canal du crédit bancaire, mais principalement par les marchés financiers.

Je n’en continue pas moins à penser qu’une sortie de la politique de taux zéro dès la semaine qui vient serait de la part de la Fed un signal de confiance dans la pérennité de cette reprise américaine et la manifestation du souci de sa présidente de contenir l’emballement des marchés et de se redonner des marges de manœuvre. Si la Fed devait sursoir, mais seulement pour préciser son calendrier, les marchés devraient juste reporter leurs anticipations sur les réunions d’octobre ou de décembre. Si au contraire la Fed devait reporter toute décision sine die, outre une baisse marquée du dollar et des rendements obligataires, il n’est pas sûr que les marchés actions en bénéficient, un tel signal risquant de remettre en cause les anticipations de croissance des profits.

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