Qu’est-ce qui fait bouger le dollar ?

 In Economie, Finance et Marchés

A l’encontre de la majorité des prévisions, le dollar a plutôt eu tendance à baisser ces dernières semaines. Ainsi, l’indice dollar (mesuré contre un panier pondéré des principales devises du commerce international) a perdu près de 5% depuis février dernier. Mais ce repli reste limité au regard d’une appréciation de près de 20% depuis l’été 2014. De plus, la  tendance est encore incertaine, puisque le dollar a récupéré près de 1% contre ce même panier, rien qu’au cours de la semaine écoulée.

Alors qu’est-ce qui fait bouger le dollar ?

Principalement la perception et les interprétations des marchés concernant la politique monétaire de la Reserve Fédérale. L’anticipation d’une rémunération supplémentaire de la devise par le relèvement des taux directeurs de la Réserve Fédérale est le principal facteur de hausse du dollar, alors que la plupart des principales banques centrales du monde offrent désormais des taux nuls, voire négatifs.

Mais le moins qu’on puisse dire c’est que la Fed se montre  hésitante, tandis que les marchés ont tendance à mettre en doute ses commentaires et ses prévisions :

  • La Réserve Fédérale a développé de nombreux outils de prévision et d’analyse, notamment des indicateurs donnant l’avis de ses différents membres sur leurs prévisions de taux directeurs. Sa Présidente donne désormais des conférences de presse. Elle affiche aussi ses prévisions de croissance et d’inflation tous les trimestres.Or dans une période d’hésitation voire même de divisions au sein de la Banque Centrale, cette transparence finit par se retourner contre elle, puisque loin de lever les doutes des marchés, les moindres déclarations, la moindre statistique sont décortiquées à la loupe et font fluctuer les marchés au grès de leur propre interprétation.
  • Deux camps s’opposent au sein de la Fed : ceux qui pensent que la baisse du taux de chômage finira bien par faire monter les salaires et qu’il faut donc agir préventivement et relever les taux directeurs. De l’autre, certains gouverneurs ne voient toujours pas d’inflation et craignent au contraire que ces hausses précipitent la baisse des marchés intérieurs et extérieurs qui entraineront dans leur sillage l’économie américaine.
  •  Ainsi, alors que les marchés attendaient une première hausse de son taux directeur en septembre dernier, il a fallu attendre le mois de décembre pour qu’elle agisse, donnant l’impression à ce moment-là d’intervenir à contretemps. A ce moment elle annonçait aussi 4 hausses de taux pour 2016. Mais je marché n’y croyait guère. Même lorsqu’elle a revu sa prévision à 2 hausses pour cette année lors de sa réunion de mars, les marchés sont restés plus que sceptiques. Et puis il a suffi que M. Bullard de la Fed de St Louis se montre plus ferme pour que le marché en tienne compte.

L’évolution du dollar est principalement portée par 3 facteurs :

  • Les fondamentaux économiques et notamment les chiffres de l’emploi américain restent déterminants. La poursuite de la progression de l’emploi est bien l’indicateur phare et celui qui permet aussi à la Fed d’apprécier (avec l’évolution des salaires) sa capacité à reprendre la main et s’éloigner des taux zéro ;
  • L’Amérique ne peut plus ignorer les évolutions extérieures. Les divergences de politiques monétaires influent sur les devises. Face à la reprise américaine, le risque de récession en Chine, l’effondrement des prix du brut et des matières premières ont poussé le dollar à la hausse. La crainte de voir les Etats-Unis souffrir de ce ralentissement général, la stabilisation du yuan chinois après des baisses pilotées par les autorités monétaires, ont stoppé la hausse du dollar – monnaie refuge et rémunératrice. La BCE elle aussi en annonçant qu’elle en avait probablement fini avec la baisse de ses taux directeurs a contribué au renforcement de l’euro. Les marchés continueront d’évoluer en fonction de leur perception de l’écart de rémunération à court terme à venir entre les devises de ces zones économique. Ainsi un nouveau repli du Yuan chinois renforcerait à nouveau de dollar, bien qu’on puisse considérer que les autorités chinoises cherchent à limiter les sorties de capitaux.
  • Reste à apprécier l’impact des risques politiques sur l’économie américaine comme sur les autres pays. Le dollar reste la devise refuge par excellence. Mais à mesure qu’on s’approche des présidentielles de novembre, la perspective d’une Amérique plus protectionniste pourrait peser sur le dollar.

Ainsi la Fed a beau semer de nombreux indices, elle ne peut cacher ses propres hésitations et les marchés peinent à s’y retrouver. Je pense qu’elle reste néanmoins déterminée à se redonner des marges de manœuvre en s’éloignant des taux zéro du mieux qu’elle pourra.

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