Qu’est-ce qui retient encore la Réserve Fédérale ?

 In Economie, Finance et Marchés

Les marchés sont suspendus aux commentaires de la Réserve Fédérale, à chacune de ses réunion ou encore lorsque ses membres s’expriment individuellement. Il ressort de ces déclarations que les gouverneurs de la Banque Fédérale sont encore partagés sur le moment et l’ampleur de la normalisation des taux directeurs aux Etats-Unis. Les termes du débat tiennent autant à l’analyse de la situation intérieure qu’à l’environnement international immédiats. Plus encore, la Banque centrale ne semble pas en mesure de déterminer si la  croissance du pays – qui devrait reprendre dès le deuxième trimestre – est d’ores et déjà à son potentiel. Au cœur de ce débat se trouve la mesure de la productivité.

La normalisation de la politique monétaire a débuté en 2013 avec la réduction des achats directs d’actifs. Agissant progressivement, la Réserve Fédérale a continué à préparer le terrain d’un relèvement de ses taux directeurs, au point de ne laisser plus guère de doute sur une première action dès septembre prochain. Pourtant les hésitations sont encore nombreuses.

Le contexte global reste incertain et l’impact de la hausse du dollar a pu inquiéter, après un premier trimestre qui a vu la croissance reculer. Certes la reprise en Europe semble bien se confirmer, mais elle reste très modeste et suspendue au dénouement de la crise grecque. La Chine ralentit clairement, souffrant de sur capacités de production. Le Brésil et la Russie sont en récession, les pays producteurs de pétrole et de matières premières décélèrent également.  Aux Etats-Unis, la baisse des prix du pétrole a provoqué un net ralentissement des investissements dans ce secteur. Les ménages, bien que les créations d’emplois soient toujours aussi dynamiques, sont plus enclins à poursuivre leur désendettement qu’à consommer, d’autant que les salaires n’augmentent guère. Ceci laisse à penser que malgré un taux de chômage à 5.6%, les Etats-Unis connaissent encore des surcapacités de production, ou bien que la croissance de la productivité du pays s’est à nouveau accélérée. C’est sur ce dernier point que les avis divergent nettement. Avec une croissance de l’ordre de 2%, les Etats-Unis ont-ils déjà retrouvé leur rythme de croisière ? Ou peuvent-ils pousser les moteurs un peu plus ?

C’est ce que rapporte la Réserve Fédérale de San Francisco dans une étude récente, qui montre que la croissance de la productivité du travail qui avait commencé à ralentir dès 2003 – au lendemain de l’éclatement de la bulle internet –ne progresserait pas de plus de 1,5% l’an depuis la crise de 2008. Ceci ne laisse espérer au mieux une croissance de l’économie de l’ordre de 2%. Au-delà on serait confronté à une résurgence de l’inflation salariale qu’il faudrait contrôler. Cette faiblesse persistante s’expliquerait par le volume limité d’investissements ces dernières années. Or, d’autres études – notamment de la Reserve Fédérale d’Atlanta – prenant en compte l’accélération de l’innovation dans la high tech, tablent sur une accélération progressive de l’investissement et de la productivité dans les mois et les années à venir.

On distingue en effet trois déterminants principaux de la productivité du travail :

  • Le niveau général d’éducation et de formation des personnes ;
  • Le volume de capital investi et utilisé, ce qu’on nomme l’intensité capitalistique ;
  • Les autres facteurs qu’on regroupe sous le terme de productivité totale des facteurs de production. C’est dans cette catégorie qu’on peut classer entre autres l’innovation.

La difficulté réside tout entière dans la capacité à mesurer l’impact économique de ces progrès, souvent perçus comme initialement destructeurs d’emplois.

Si effectivement nous sommes bien comme nous le pensons au début d’une nouvelle période d’accélération de la transformation technologique, alors les Etats-Unis gardent encore un net potentiel de croissance supplémentaire et de redéploiement économique, qui se transmettra vers les salaires, conduisant à  son tour à une augmentation de la consommation, sans pour autant dépasser la croissance de la productivité, et provoquer des pressions inflationnistes.

Dans tous les cas et dans l’immédiat on peut conclure que la Réserve Fédérale si elle a cœur d’inscrire la normalisation monétaire à son agenda, peut limiter l’ampleur de son intervention et l’étaler dans le temps.

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